dimanche 19 juillet 2009

Comprendre la saga de la goélette Grosse-Île

Description des déboires imposés à un amateur amoureux de la goélette Grosse-Île par le propriétaire du Musée maritime de Charlevoix, avec la complicité du Ministère de la Culture du Québec.

Simultanément en 1991, deux personnes tentent de faire leur part en vue de sauvegarder une partie du patrimoine maritime québécois : Didier Épars, un amateur, achète la goélette Grosse-Île, suite à une expertise maritime assurant son excellent état de conservation, avec l’espoir de la faire naviguer à nouveau. De son côté, le capitaine Yvan Desgagnés, armateur reconnu pour ses succès en affaires, reprend le chantier paternel à l’abandon avec ses trois épaves de goélettes, Mont Royal, Mont Sainte-Marie, Mont Notre-Dame et décide d’en faire un musée. Tous deux s’adressent au Ministère de la Culture du Québec. Celui-ci décide de soutenir l’action d’Yvan Desgagnés et son projet d’envergure. Politiciens et fonctionnaires sont d’accord, le choix du Ministère est logique et facile, voire sécurisant puisque l’armateur a fait ses preuves, il a réussi en affaires et possède de nombreux appuis politiques, alors que l’amateur n’a rien de tout cela.

Les années passent, la Grosse-Île, sur le terrain de l’écono-musée de Saint-Joseph-de-la-Rive, attend la fin d’un procès intenté contre son précédent propriétaire pour vice caché. Malgré la procédure, l’amateur cherche du financement. Il constate qu’il ne restait plus qu’une seule goélette à quille du Saint-Laurent, la Grosse-Île. Simple marin ayant navigué sur des navires traditionnels, l’amateur est atteint du syndrome de Stockholm et tombe amoureux de sa ravisseuse, la goélette Grosse-Île. Il veut la sauver.

De son côté, l’armateur subventionné crée son musée, restaure son quai, achète la Jean Yvan et voit la Grosse-Île dans sa soupe. Lui qui n’a que 3 épaves et un pitounier, le Jean-Yvan, veut la Grosse-Île et l’affirme à qui veut l’entendre.

Le procès est gagné en 1994. Toujours frappé du syndrome de Stockholm, l’amateur reste avec sa ravisseuse et garde la goélette envers et contre tout. Son budget initial élaboré en 1992 était de 1,2 millions de dollars et malgré les 17 années passées, la restauration de la goélette a coûté cette somme.

En 1995, Mme Jacinthe B. Simard, mairesse de Baie Saint-Paul s’ingère avec l’armateur dans le dossier de l’amateur qui a obtenu une subvention du Conseil régional de concertation du Québec (CRCDQ) et ils arrivent à faire exiger par son bureau de direction, sur lequel siège Mme Simard, des garanties irréalistes en vue de bloquer le paiement de la subvention. L’amateur reçoit d’un des membres du conseil du CRCDQ, une enveloppe anonyme expliquant la manœuvre. Preuve en main, il réussit à rétablir sa subvention en faisant intervenir le Premier ministre Jacques Parizeau.

En 1997, l’amateur rencontre M. François Paquette, nouveau directeur régional du patrimoine au Ministère de la Culture du Québec. Il sollicite son aide tout en lui faisant valoir ses résultats : la Grosse-Île est la première coque reconstruite dans les règles de l’art depuis la Jean Richard en 1959, résultat obtenu avec l’aide d’un artisan exceptionnel, Paul Mailloux. Le nouveau directeur lui promet de piloter son dossier afin de l’aider dans sa recherche de financement. Mais, dans les faits, il ne s’occupe pas du dossier et laisse l’amateur dans l’illusion pendant 2 ans en lui faisant produire des documents qu’il ne dépose jamais à temps auprès des ministères concernés.

Pendant ce temps, le Musée maritime de Charlevoix laisse pourrir tous les navires qu’il s’est donné mandat de protéger et de restaurer, tout en profitant du travail effectué par l’amateur. Le Musée reçoit du Ministère de la Culture des subventions pour payer les artisans de la goélette Grosse-Île, mais il omet de les mettre à la disposition de l’amateur ou même de l’en informer.

Pendant 7 ans, de 1996 à 2003, la réfection de la Grosse-Île constitue la seule attraction vivante au Musée. L’amateur l’a reconstruite à 95% ; ayant versé 800 000$ en main d’œuvre et fournitures dans la région. Mais personne ne connaît son nom à Saint-Joseph de la Rive, on ne vit que pour l’armateur!

En mai 2003, l’armateur expulse la Grosse-Île de son Musée, juste avant que la mécanique ne soit complétée, ce qui la précarise grandement. La goélette est prête à 95%, le fruit est mûr, il ne reste qu’à le cueillir dès que l’amateur fera faillite. Voilà la Grosse-Île errant sur les flots, sans moteur.

En juin 2003, réfugié dans le bassin Louise, l’amateur attend le paiement d’une subvention acquise en 2002. Le gouvernement venant de changer, le ministère du Tourisme ne lui remettra pas le chèque selon l’entente conclue avec le gouvernement du Parti Québécois. Jean Charest tient maintenant le volant et propose, plutôt que de payer la subvention promise, d’engager un consultant (dont il fournit une liste), qui pour 40 000$, va expliquer à l’amateur comment trouver du financement additionnel sans faire appel au gouvernement. L’amateur devra emprunter l’argent pour payer le consultant choisi, on le remboursera après, mais on ne propose pas de protocole fiable de remboursement. L’amateur ne peut pas courir ce risque supplémentaire.

Pendant ce temps l’armateur continue de se faire nourrir par le système, 5,5 millions$ connus depuis 2002. Quant aux voitures d’eau de monsieur Perrault, elles sont sa vache à lait et les politiciens tiennent le seau et l’amateur est leur sot.

Le tout avec le sceau du ministère. On aurait pourtant pu penser que certains fonctionnaires au ministère de la Culture aient remis en question leur conviction première et constaté la perte totale de notre patrimoine (dont des biens classés) aux mains de l’armateur. En 10 ans, celui-ci a naufragé tout ce qu’on lui a confié, la presque totalité des goélettes restantes. La seule façon pour le ministère de ne pas perdre la face est simple : pour qu’il reste quelque chose à exposer, il faudra que le Musée devienne propriétaire de la Grosse-Île, c’est la seule goélette qui reste. Ainsi, les fonctionnaires se taisent pour éviter de nuire à leur avancement et écrivent ce que les politiciens leurs dictent.

Le Ministère reconnaît que le meilleur moyen de protéger notre patrimoine est de le remettre en fonction et depuis 1999 et que la Grosse-Île est la seule goélette du Saint-Laurent qui soit actuellement en état de naviguer. Pourtant, dans toutes ses interventions, il bloque toute action favorable à la Grosse-Île en menaçant les organismes qui veulent l’appuyer de perdre leurs subventions.

L’amateur a demandé le classement de la dernière goélette du Saint-Laurent, mais un comité sans aucune connaissance du domaine maritime a refusé, entérinant la position du Ministère. L’amateur a osé réclamer son dossier auprès du Ministère ; on lui en a remis à peine le cinquième en prenant soin de censurer le tiers des documents remis. L’amateur, qui n’est pourtant pas un terroriste, se demande si les passages censurés n’étaient pas des opinions favorables à son projet ou ne faisaient pas état de subventions qui lui étaient destinées, mais qui ont été retenues par l’armateur.

Cette année l’amateur s’est battu contre un cancer, mais il a quand même déposé deux projets pour les fêtes à Gaspé et Trois-Rivières. Personne n’a daigné lui répondre, il n’existe pas.

Sur le quai 27 du port de Québec depuis 2004, la goélette Grosse-Île attend de savoir si elle va aller se faire assassiner comme ses sœurs au Musée maritime de Charlevoix ou vivre sur les flots avec son Gepetto pour le bénéfice des amoureux de notre patrimoine maritime…
De plus, cet été, un avis du conseil des monuments et sites du Québec demande à la ministre de la culture, madame Christine St-Pierre d’agir en protégeant sans attendre les quelques goélettes restantes!
¨Le CMSQ a demandé à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine St-Pierre, d’intervenir rapidement afin d’assurer la préservation de ces quelques goélettes en reconnaissant leur importance dans l’histoire de la navigation québécoise. ¨


Voir le texte intégral à : http://www.cmsq.qc.ca/continuite/121/avis1.htm

dimanche 5 juillet 2009

Remettre à flot le patrimoine maritime


L’avenir du patrimoine maritime québécois semble à la dérive. Les goélettes, témoins de l’histoire de la navigation sur le Saint-Laurent au XIXe siècle et au début du XXe siècle, ont un urgent besoin de protection. Un effort qui passe nécessairement par des investissements et la reconnaissance de la valeur de cet héritage.Conçus selon les techniques traditionnelles de construction navale, ces voiliers historiques qui ont sillonné le fleuve pendant des décennies sont en train de disparaître dans l’indifférence générale. Il n’existe plus que neuf goélettes au Québec : la Marie-Clarisse II, la Mont Saint-Louis, la Françoise G, l’Île-aux-Coudres, la Grosse-Île, la Feu-follet, la Saint-André, la MP Émilie et la Jean-Yvan.Chacune de ces embarcations possède des caractéristiques particulières. Leur état de conservation varie de l’une à l’autre, mais sans amoindrir leur intérêt. Quelques-unes ont eu la chance d’être classées ou restaurées, mais la majorité demeurent presque à l’abandon et cheminent vers la disparition.Seulement deux goélettes ont été classées en vertu de la Loi sur les biens culturels du Québec : la Marie-Clarisse II et la Saint-André. Malgré le fait que le Québec et le Canada se soient développés grâce à la voie maritime qu’est le Saint-Laurent, les autorités font preuve d’un laxisme persistant quant à la protection du patrimoine maritime. Pourtant, ailleurs dans le monde, on observe une véritable préoccupation pour la préservation et la valorisation de ce patrimoine. En France, par exemple, de nombreux bateaux sont protégés pour le bénéfice de la mémoire collective.Présentement, seules deux goélettes sont en état de naviguer : la Marie-Clarisse II et la Grosse-Île. La Mont Saint-Louis est aussi très bien conservée et pourrait techniquement retourner sur l’eau. On devrait à tout prix maintenir ces embarcations en état de fonctionnement, puisqu’une fois hors d’état de naviguer, les goélettes doivent être mises à l’abri et auront alors peu de chances de retourner à l’eau, compte tenu des coûts impliqués.Le Conseil des monuments et sites du Québec (CMSQ) estime que le classement de ce patrimoine se révélerait un outil de gestion efficace pour sa préservation. D’abord, il témoignerait de l’importance accordée au patrimoine maritime dans le contexte culturel québécois et canadien. De plus, il encouragerait les initiatives de restauration en rendant possible leur subvention, car il est utopique de penser que des particuliers peuvent à eux seuls maintenir ce patrimoine en état. Même les institutions muséales ont de la difficulté à gérer une collection maritime, qui nécessite une structure complexe et des investissements financiers importants.Refuser cette reconnaissance à une goélette signifie la condamner à disparaître à brève échéance. Vu la rareté de ces navires, on ne peut pas faire la fine bouche. Les critères de mise en valeur devraient donc être plus souples. Ces bateaux ont tous un potentiel d’utilisation, même si leur état actuel de conservation laisse parfois à désirer. Laissons de côté l’idée d’une préservation de ce patrimoine par échantillonnage. Nous devrions plutôt faire en sorte que tous les spécimens qui subsistent soient protégés et qu’ils récupèrent leurs caractéristiques d’origine afin d’augmenter leur durée de vie et d’en faire bénéficier le public.Le CMSQ a demandé à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine St-Pierre, d’intervenir rapidement afin d’assurer la préservation de ces quelques goélettes en reconnaissant leur importance dans l’histoire de la navigation québécoise. Conseil des monuments et sites du QuébecSite Internet : http://www.cmsq.qc.ca/Courriel : cmsq@cmsq.qc.ca